Le cri de la soie...
En voilà, un titre ! un de ceux qui vous plongent dans une ambiance de sensualité, d’érotisme élégant, un rien extrême oriental… On devine des corps satinés, un lit élégamment défait… C’est Georges Clooney chaloupant sur les draps moirés, l’œil lourd de promesses, dans un clair obscur ambré… BRRRR…
Eh ben, TOUT FAUX ! C'est le cri de rage et de désespoir - d'impuissance aussi (désolée, Georges) - poussé par la malheureuse qui tente de se coudre une robe en soie naturelle fluide et se demande comment diable tracer, couper et coudre droit dans ce tissu chiant intéressant à travailler, qui ne demande qu’à se soulever au moindre souffle, glisser latéralement, se mouvoir… et sur lequel la moindre ligne droite se tord, s’incurve !
Une plaie !
Bref. Une fois de plus, me voilà en train de rédiger les tribulations de super nouille en couture !!! Cette fois, au programme, le choix d’un tissu trop fort pour moi. De la soie, donc. Achetée dans une vie antérieure (un prix déraisonnable que je ne veux pas me remémorer avec précision. Inexplicable, déjà…) Encore un coup, j’avais fondu les plombs devant une étoffe qui se déclinait en une infinité de possibles bien flous… Revenue à la couture il y a moins de six mois, je me suis mise en devoir d’utiliser ce joli imprimé stylisé de contours floraux blancs sur fond bleu. La robe à col rond sur épaules nues, modèle i du livre Tuniques pour Petits et Grands m’avait alléchée. Pour des raisons obscures, j’avais décrété le modèle facile. Ben voyons…
Quelques heures plus tard, c’était la Bérézina… La soie, coupée avec un soin maladif semblait inutilisable, en lambeaux. Or, si le corps de la robe s’est, au final, bien comporté (les fronces rendent bien, les emmanchures descendent un peu bas mais font un effet tout à fait propre), le col a tout de suite marqué sa différence. Une fois assemblées les quatre pièces qui le constituent, tout cela flottait mollement, glissait, sans qu’un assemblage avec le bas du modèle semble possible. En fait, la bordure qui rejoint le corps de la robe doit comporter un petit rentré à l’arrondi irréprochable. Sinon, c’est moche ! Or, comment voulez-vous faire un petit rentré arrondi régulier (double puisque l’intérieur doit se superposer parfaitement à l’extérieur, sans quoi le dessus de l’épaule qui fait l’originalité de la coupe serait minable…) avec un tissu qui bouge dans tous les sens, glisse, ne se laisse dompter que pour éclater en minuscules plissouillis qui tiraillent en gâtent le travail ?
En bonne autruche qui se respecte, j’ai ajourné, fourré la chose au fond d’un sac entreposé, au passage, chez mes parents, dans l’intention d’y travailler lorsque nous serions en famille là-bas, début août. Ou pas.
C’est le remords qui m’a amenée à ressortir la chose, l’avant-veille du départ. Le remords et puis la fausse bonne idée de la semaine : j’allais doubler le col avec de la toile thermo collante pour lui conférer la tenue nécessaire et finir proprement mon col – l’air de rien, la pièce maîtresse du vêtement ! Jusque là, rien à dire, si ce n’est que la toile, peut-être de mauvaise qualité, n’a pas collé uniformément malgré le soin mis à la repasser. D’autre part, c’était oublier un peu vite que la soie se comporte, lorsqu’on la colle, comme lorsqu’on la coupe, marque… Elle se fige dans une position, finit par y plissouiller aussi et révèle l’astuce plus sûrement que n’importe quel panneau indicateur « Attention ! Ici, bouffée d’inspiration ! Une minute de silence consterné. Merci. Une quête sera organisée au profit des orphelins de la couture… »
Voilà donc la chose, avec, en prime, une piqure d’une précision remarquable qui dopera le moral de toutes les débutantes… qui, en effet, ne feront jamais pire, même dans le noir et après trois tequilas. Attention : séquence auto-mortification…
Bon, de loin et par grand vent, ça passerait presque pour ce que ça sera au final : une robe de plage informe pour touriste pas bronzée des jambes (à travers mes éternels jeans ou « Chinos », les UV se font discrets…), mais quelle désillusion ! Je suppose que le modèle est très abordable en liberty ou dans n’importe quel coton basique, mais les tissages fluides sont, de toute évidence à réserver aux expertes. Enfin, pas aux bucheronnes, quoi !